Interview avec Carol Vercarre, procureur du Roi de Hal-Vilvorde : « C’est dans ma personnalité : j’aime lancer et accompagner un processus de changement »

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Février 2023. Ine Van Wymersch, jusqu’alors procureur du Roi pour l’arrondissement de Hal-Vilvorde, devient la toute première commissaire nationale aux drogues du pays. Le 6 novembre, neuf mois après sa nomination, Carol Vercarre lui succède officiellement au poste de procureur du Roi.

 

Qu’est-ce qui vous a poussée à vous porter candidate à cette fonction ?

« Depuis sa création en 2014, le parquet de Hal-Vilvorde a évolué en une équipe efficace, dynamique et collégiale, qui met tout en œuvre pour bâtir une société aussi sûre et juste que possible pour les habitants, les visiteurs et les entreprises de la région. Pour moi, c’était un privilège de me retrouver en première ligne de ce processus, d’abord comme substitut, puis comme premier substitut, responsable d’équipe et membre du comité de direction, et depuis avril 2023, comme procureur du Roi faisant fonction. »

«  En ma qualité de procureur, j’ai désormais l’occasion de m’atteler, avec l’aide d’une équipe solide, aux innombrables défis que présente cet arrondissement aussi passionnant que diversifié. Je compte en outre m’investir dans les nombreux projets de numérisation qui vont moderniser le fonctionnement de la justice et la rendre plus accessible au citoyen. Les multiples plans et projets en chantier me réjouissent d’ores et déjà. C’est donc avec une grande impatience que j’entame une période plus “politique” dans ma carrière. »

Carol Vercarre

(c) RingTV

 

 

Un magistrat de parquet garde l’esprit ouvert devant ses dossiers, pour faire en sorte que toutes les pistes d’enquête soient explorées et que la vérité soit faite.

 

Vous avez derrière vous un vaste parcours au sein du parquet de Hal-Vilvorde. Cette ambition de diriger le parquet, l’aviez-vous déjà avant ?

« En tant que responsable d’équipe, premier substitut et membre du comité de direction, je me suis beaucoup occupée de la gestion et de la direction du parquet. Les matières qui étaient traitées au sein de mon équipe, notamment les dossiers liés à la loi spéciale, au domaine “Écofin”, à l’aéroport ou aux affaires disciplinaires, exigeaient de bons contacts avec un grand nombre de partenaires auprès des services de police et d’inspection, mais aussi des autorités locales, flamandes et fédérales. C’est un excellent moyen de se constituer un vaste réseau et d’endosser toujours plus de responsabilités, qui dépassent le simple travail sur des dossiers. Le pas à franchir pour devenir procureur du Roi s’en est ainsi trouvé réduit, et ce choix m’a paru naturel. »

La justice doit s’attendre à de grandes transformations avec la numérisation et l’autonomie de gestion à venir. Êtes-vous quelqu’un qui apprécie le changement ?

« Tout à fait. Je participe volontiers à l’introduction de changements et, une fois qu’ils se concrétisent, j’y contribue avec beaucoup d’enthousiasme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis devenue magistrate. À mon précédent poste de juriste auprès de l’Autorité flamande, je trouvais que la justice ne s’intéressait pas assez à des thèmes comme l’environnement, l’urbanisme et la qualité de l’habitat, qui relevaient des compétences des services d’inspection flamands. J’ai alors eu le choix entre me désoler ou aller travailler pour la justice et essayer de faire bouger les choses. J’ai choisi la deuxième option. Lorsqu’il est apparu que j’allais devoir passer d’un environnement entièrement numérique au tout-papier, le choc a été violent. Je suis donc très heureuse que l’ère du papier touche petit à petit à son terme à la justice aussi, et c’est avec beaucoup de bonheur que j’encadrerai ce changement au sein du parquet de Hal-Vilvorde. »

 

Il faut vouloir s’impliquer en faveur d’une société plus sûre et plus juste, sans pour autant perdre tout contact avec cette société.

 

Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour la fonction de magistrat de parquet ?

« À mon sens, il faut avant tout avoir un engagement social. Il faut vouloir s’impliquer en faveur d’une société plus sûre et plus juste, sans pour autant perdre tout contact avec cette société. Un magistrat de parquet garde l’esprit ouvert devant ses dossiers, pour faire en sorte que toutes les pistes d’enquête soient explorées et que la vérité soit faite. Il faut aussi avoir suffisamment d’empathie pour pouvoir se mettre dans la peau de personnes qui ont potentiellement un parcours de vie totalement différent. Avoir l’esprit de décision a tout autant d’importance, évidemment : dans le droit, c’est rarement blanc ou noir, mais le citoyen doit pouvoir compter sur des magistrats qui traitent leurs dossiers dans des délais raisonnables et osent prendre des décisions sur la base des informations dont ils disposent sur le moment. »

Vous avez également été magistrate de presse. Que retenez-vous de cette expérience ?

« À ce poste, j’ai vu pendant de nombreuses années comment les citoyens et les médias, de Hal-Vilvorde et d’ailleurs, suivaient et applaudissaient nos réalisations, ou remettaient parfois en question les choix politiques que nous faisions. La communication constitue dès lors un thème important dans mon plan de politique. Je veux que les citoyens sachent ce que le parquet signifie pour eux, en les informant de ce que nous sommes en train de faire, notamment via les médias sociaux. »

 

Je veux que les citoyens sachent ce que le parquet signifie pour eux, en les informant de ce que nous sommes en train de faire, notamment via les médias sociaux.

 

Dernière question : sur quels éléments voulez-vous mettre l’accent dans votre politique ?

« Je veux poursuivre la mise en œuvre du plan de sécurité pour Brussels Airport. Pour le reste, je tiens aussi à injecter des moyens dans divers domaines : drogues, violence intrafamiliale et mœurs, circulation, environnement et criminalité financière. Au niveau politique, je me focalise sur la gestion des recherches, de manière à exploiter efficacement la capacité restreinte de la police et du parquet, et sur le renforcement de “PLUK”, l’interception du patrimoine criminel. »

 

Carol Vercarre 1

(c) Ministère public

 

Les fondements d’une peine appropriée

« La peine appropriée dépend de la personne, des faits, mais aussi des antécédents, de la situation sociale, de l’encadrement et de la manière dont cette personne est disposée à travailler sur elle-même. À mes yeux, les peines d’emprisonnement sont avant tout des mesures de protection contre des individus dangereux que nous devons éloigner de la société. C’est nécessaire dans certains cas, mais selon moi, il est plus important de se concentrer sur la réparation et la réintégration. Ce qui est tout sauf simple, car le contexte social et le passé des auteurs de délits se révèlent souvent très complexes et difficiles à régler.»

« Concernant les délits commis par des personnes morales, la corruption, les faillites frauduleuses, la criminalité environnementale, etc., ce sont surtout les lourdes amendes et la confiscation du patrimoine illégalement acquis qui sont efficaces. En règle générale, la motivation des auteurs est uniquement l’appât du gain, rarement une problématique sociale ou une addiction, par exemple. Si l’on veut avoir un réel effet sur ce groupe cible, il faut donc faire en sorte que les délits leur coûtent plus qu’ils ne leur rapportent. »

 

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